Dans Josué 2, il semble y avoir un conflit entre deux principes absolus de comportement moral.
Il est mal de mentir (9e commandement, Exode 20:16).
On doit faire ce qu’on peut pour protéger la vie humaine (6e commandement, Exode 20:13).
Historiquement, les chrétiens ont tenté de comprendre de trois manières différentes ce qui doit être fait dans des situations semblables à celle où se trouvait Rahab.
Absolus en conflit
En cas de conflit entre des principes absolus, nous devons choisir le moindre des deux maux. Ce choix, cependant, est quand même pécheur, et si nous nous trouvons face à de telles circonstances, ce n’est qu’une triste réalité de la vie dans un monde déchu.
Pour Rahab, cela signifiait que sa décision de mentir au roi de Jéricho constituait un péché. Le mensonge est toujours un péché. Toutefois, son mensonge était le moindre de deux maux.
Le problème avec cette position, c’est qu’elle ne tient pas compte d’Hébreux 4:15. Le Nouveau Testament nous dit que Jésus a été tenté par le péché en toutes choses comme nous, et, toutefois, il était sans péché. Il a réussi à vivre dans ce monde déchu sans n’avoir jamais eu à commettre un moindre péché afin d’éviter un plus grand péché.
Absolus gradués
Il y a une hiérarchie d’absolus selon laquelle certains principes moraux sont plus importants que d’autres (comme il semble que c’est le cas dans Matthieu 23:23). Là où il y a un conflit tel qu’il soit impossible d’obéir aux deux commandements, le chrétien doit agir en fonction du principe supérieur. Dans de tels cas, l’action ne constitue pas un péché.
Pour Rahab, sa décision de mentir n’était donc pas pécheresse puisqu’elle a choisi d’agir en fonction du principe supérieur (la préservation de la vie). Si elle n’avait pas menti, alors les espions auraient été tués.
Le problème avec cette position, c’est qu’elle dépend d’une évaluation très subjective concernant la question de savoir lequel des principes est supérieur et lesquels sont inférieurs. Comment savoir quels sont les principes moraux qui sont les plus importants en dehors des principes bibliques clairs? La Bible ne nous donne pas de hiérarchie ordonnée des valeurs ou d’exceptions à ces principes; par conséquent, la décision à prendre en fonction d’un principe supérieur ou inférieur est souvent très subjective.
Absolus non conflictuels
Dans une situation où il semble y avoir des absolus en conflit, il y a toujours une autre option qui permet d’éviter le péché.
Cela signifie que Rahab n’aurait pas dû mentir. Dieu est vérité (Jean 14:6; 1 Jean 5:20) et il ne ment pas (Tite 1:2; Hébreux 6:18). Par conséquent, Rahab n’aurait pas dû mentir. Elle aurait dû faire confiance à Dieu qu’il allait pourvoir à ses besoins et protéger les espions d’une autre façon. Elle aurait peut-être pu rester silencieuse en réponse à leur question, invitant le roi à fouiller les lieux tout en priant que Dieu protège les espions cachés.
Cette position semble être la plus biblique. Si Dieu est souverain et s’il ne veut pas que nous mentions, alors il peut intervenir dans ce monde pour protéger la vie humaine d’une autre façon. En outre, selon Romains 3:7–8, la fin ne justifie pas les moyens, et 1 Corinthiens 10:13 nous rappelle également que Dieu promet de nous délivrer de la nécessité de pécher. Les normes morales énoncées dans les dix commandements sont absolues. Pour quelques-unes d’entre elles, la Bible ne donne aucune exception (par exemple, le mensonge) alors que, pour d’autres, Dieu a donné quelques exceptions (par exemple, la peine capitale, comme dans Exode 21:12–17 ou Genèse 9:6).
Conclusion
En évaluant Rahab, il semble que nous devons rendre un verdict mitigé. Nous devons condamner son mensonge et son manque momentané de foi en Dieu, mais nous devons aussi approuver sa foi tant en parole qu’en action.
Calvin a résumé ainsi sa réponse :
Ceux qui tiennent ce qu’on appelle un mensonge consciencieux tout à fait excusable ne considèrent pas suffisamment combien la vérité est précieuse aux yeux de Dieu. Par conséquent, bien que notre but soit d’aider nos frères, de les consulter pour leur sécurité et de les soulager, il ne peut jamais être licite de mentir, car ce qui est contraire à la nature de Dieu ne peut pas être juste. Dieu est la vérité. Et pourtant, l’acte de Rahab n’est pas dépourvu de l’éloge de la vertu, même s’il n’était pas d’une pureté impeccable. En effet, il arrive souvent que les saints, alors qu’ils s’efforcent de suivre le droit chemin, s’égarent dans des voies tortueuses.
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4 La femme prit les deux hommes, et les cacha; et elle dit: Il est vrai que ces hommes sont arrivés chez moi, mais je ne savais pas d'où ils étaient;